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L'orage et le philosophe...

Tu devais t'en douter à la lecture de mon article d'hier soir, je ne la sentais pas trop cette étape. Et comme j'avais raison…

 

Après une bonne nuit dans un vrai lit, tous les signes avant-coureurs de la catastrophe se sont présentés. Tout d'abord au moment de partir, la flotte s'invite. J'attends donc que l'averse passe avant de prendre la route. Au bout d'un kilomètre et demi, je croise une Renault 20. Tu te rends compte, il n'y a plus que dans ces coins retranchés de la Corrèze que tu croises des trucs pareils. J'y ai vu un signe du destin et pas un bon crois moi. Juste après, j'attaque une montée de cinq bornes que je connais trop bien et en plein milieu, je prends un orage phénoménal. Par chance, je suis à proximité de l'ancienne cabane du maréchal-ferrant. On se planque dessous avec le petit bibi en guise de bétail ! L'orage tourne dans les vallées mais je dois repartir. Je ne me sens pas bien, j'ai mal aux jambes, je suis sans énergie. Je me souviens des paroles de ce philosophe nivernais me disant bien souvent : « Xavier, il ne faut jamais injurier l'avenir ». Ah, Gérard, comme j'aurais dû retenir tes leçons. Parce qu'à force de faire le beau avec le petit bibi à 30 à l'heure dans les lignes droites depuis trois jours, je paye aujourd'hui l'addition. Et crois moi qu'elle est plutôt du genre sévère la bougresse. Bon Dieu, je n'avance pas, je ne mets pas une pédale devant l'autre. Lors d'un arrêt pour un petit pipi rapide, je regarde mon téléphone et je tombe sur le message de Mathilde et de ses potes. Ils m'ont laissé un petit mot tout plein de gentillesses dans la nuit. Ça me fait du bien au milieu de cette galère. Ils sont mignons même s'ils ont un petit peu tendance a abuser sur la vodka. Hier soir, ma fille avait 17 ans, ils avaient donc le droit... Bises à vous du Vieux et profiter de cette belle maladie que sont vos 17 ans… Je reprends la route et au milieu de la Corrèze je m'arrête dans une petite boulangerie qui ne paye pas de mine. La boulangère est une black avec un accent créole découper à la machette! Je lui demande une chocolatine. Elle va derrière et me donne un petit sac en me demandant un euro. En partant elle me glisse: "Mange bien vélo il faut prendre des forces. » Dehors, en ouvrant le sac de papier, je trouverai deux chocolatines au lieu d'une… Petit signe de la main petit sourire, parfois la vie est belle. Sûrement un effet de ma tête de métèque. Entre minorités, on se sert les coudes. Merci à toi ma boulangère ô combien corrézienne. Si Brassens t'avait connu, il aurait certainement rajouté une strophe à son Auvergnat. Je reprends la route et mon état ne s'améliore pas. J'ai le vent en pleine tronche et je n'en peux plus. À midi, je fais une pause en ayant fait à peine 50 bornes. Je m'achète de quoi manger. Je commence à grignoter un sandwich mais je tombe littéralement de sommeil! Je suis épuisé et je dors pendant une heure au bord de la route comme un clodo! Au réveil je me demande si je dois dormir ici ce soir ou repartir. L'envie d'avancer est trop forte et je remonte donc sur le vélo. À cet instant, j'oscille entre les trois départements que sont la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne. Je pense qu'a l'origine ces départements étaient plats. Je pense aussi qu'il y a environ mille ans, le type responsable des aménagements est rentré chez lui en tenant à peu près ces propos : « dis-moi Nini, (oui, sa femme s'appelait Nini…), On était en voyage d'étude dans un coin qui s'appelle les Pyrénées. Ils ont des trucs très sympas là-bas qui s'appellent des montées. Je me demande si je ne vais pas en mettre quelques unes dans le coin. Allez je vais faire un tour au supermarché voir ce qu'ils ont en stock". Hélas, comble de malheur, ces fameuses montées était en promo, et le mec c'est largement fait plaisir. Putain d'Adèle, ça n'arrête pas de monter et descendre, sur des revêtements pourris. Je me cale sur le tout petit plateau et je roule à 10 ou 11 à l'heure. J'avance, tout doucement mais j'avance. Paradoxalement, je me refais un petit peu la cerise. Quand je te dis que dans certaines circonstances, on pédale avec sa tête... J'ai mal aux jambes certes mais globalement je suis moins fatigué. Je suis sur le plateau de Millevaches, un endroit mythique pour les cyclistes. Les descentes sont hyper dangereuses car les routes sont gravillonnées. Autant te dire que même si c'est douloureux vu le nombre d'heures passées sur la selle, je serre un peu les fesses.Il faut quand même reconnaître que le coin est sublime. Nous passons avec le petit Bibi au point le plus haut du plateau. Altitude 850 m. Notre passage dérange deux chevreuils. En 40 bornes, j'ai croisé trois voitures! J'arrive à Faux la montagne, la bien nommée. J'ai 92 kilos au compteur. Ce sera assez pour aujourd'hui. Franchement ce matin, je ne pensais pas en faire autant. Il a fallu trouver des ressources physiques et morales, affronter la chaleur et se coltiner quand même 1900 m de dénivelé positif! Ce qui font du vélo comprendront. C'est certainement la plus dure des étapes, et de loin, mais cela permet de te remettre à ta place. Tout là-haut, sur le plateau, il n'y a plus d'artifice. Juste toi et tes limites à confronter à ta volonté. Il faut creuser, chercher un peu pour trouver une bonne raison de faire un mètre de plus. Il y en a toujours une, enfouie un peu plus loin que les autres qui te permet de remettre un coup de pédale. Ça fait mal aux guibolles, mais quelle aventure intérieure! Certains vont chez le psy, d'autres à confesse. Moi je peux chialer sur mon velo de douleur et de bonheur mêlés. A chacun ses solutions, à chacun sa grandeur. La mienne ce soir sera d'avoir résisté au plateau de Millevaches. Ce n'est pas grand chose, juste un petit défi arrache à la vie. Mais celui-ci, j'en connais le prix... Au moment de réserver mon camping, L'orage s'est mis à tonner dans la vallée, histoire de boucler la boucle de cette journée. Par prudence, je dormirai donc ce soir dans le gîte d'étape. Un groupe de 10 randonneurs à vélo y est attendu. Je ne devrais pas être dépaysé...

 

Altitude 820 m. Temps orageux. Demain est un autre jour qui devrait nous conduire sur des routes moins douloureuses...

 

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Le petit Bibi dans la cabane du maréchal-ferrant pour affronter l'orage.

 

 

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Avec le petit Bibi, pas très loin du point culminant du plateau.



30/07/2016
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