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En guise d’au revoir…

Cette fois, c’est la fin du voyage, l’ultime ligne droite… et avec 2 jours de recul, le moment est venu de tirer un bilan, à défaut d’un trait , sur ce moment d’exception. Retour en quelques mots sur sept jolis jours…

 

Triste : Surtout ne pas être triste. Se souvenir de tout cela avec un brin de nostalgie, bien sûr, mais sans tristesse parce que sans regret. Retenir tous les beaux instants, même les plus durs et juste en fermant les yeux, retrouver tous les jolis visages croisés sur la route. Non, surtout ne pas être triste.

 

Aimer : Il faut aimer les autres pour voyager. Il ne s’agit pas de voir le monde comme un lieu et un instant parfait mais la précarité du voyageur et de sa condition le pousse à ne prendre que ce qu’il y a de meilleur chez les autres. Etre voyageur c’est aller à l’essentiel dans sa relation à l’autre, qu’il soit gitan du matin, barbu du soir ou soiffard de chaque minute. Voyager c’est  se voir dans l’œil de l’autre et cela revient à s’aimer un peu.

 

Paradoxe : voyager seul, c’est accepter de partir en « Paradoxie ». Etrangement, partir pour voyager ne t’éloigne pas de ceux que tu aimes puisque la distance te fait prendre conscience de la valeur qu’ils ont pour toi. Voyager seul n’est pas synonyme de solitude, bien au contraire. Etre seul dans ce type d’aventure, c’est se mettre en situation d’avoir besoin des autres, c’est accepter l’obligation d’échanger avec l’autre pour lui demander un peu d’aide ou simplement échanger. Oui, le voyage en solitaire est un délicieux paradoxe.

 

Mathilde : C’est toi ma fille qui chaque soir recevais mes textes tapés maladroitement sur le trop étroit clavier de mon téléphone. C’est toi qui mettais en forme et ajoutais les photos. C’est donc toi qui, au crépuscule, recevais en primeur mes nouvelles. Je suis heureux d’avoir pu compter sur un telle messagère. Cela donne encore un peu plus de sens à tout cela. Merci à toi, même si parfois, tes correcs « d’orthograve » laissaient un peu à désirer.  Peut-être un jour rouleras-tu à mes côtés?

 

Après : L’après reste toujours un moment étrange, une zone d’inconfort entre l’intensité de ce qui s’est passé et le retour au calme. Revenir à la vie « normale », c’est retrouver les autres dans ce qu’ils ont de moins reluisant. Revenir, c’est aussi accepter de ne plus être en état d’éveil et de sérénité permanent. Cette phase de transition reste douloureuse, forcement. Dans le Grand Bleu, un des protagonistes affirme : « Il faut une bonne raison pour remonter. Parfois, j’ai du mal à en trouver une ». Peut-être qu’un jour je resterai un éternel voyageur. Peut-être qu’un jour je ne trouverai pas de bonne raison de descendre de mon vélo.

 

Bibi: Avec le P’tit Bibi, on s’est trouvé, comme ça. Il y a un lien qui se créé et tu n’en connais pas la raison. Alors tu cesses de chercher. Le P’tit bibi a été la chose la plus importante à mes yeux durant 7 jours. Il était mon cheval, mon confident et celui qui engageait le lien avec le monde extérieur. Il va rester comme mon frère mécanique, celui avec qui on a partagé les bons et les mauvais moments. Le P’tit Bibi, c’est un peu ma famille mécanique mais au lieu de planquer un moteur dans son cadre, lui a préféré cacher une âme… Et celle-là, aucun détecteur thermique ne peut la détecter. Il n’y a que moi qui la voit, qui la sent et la ressent. Merci P’tit bibi de tout ce que tu m’as donné. On repartira voir les Mongols ou les Bretons, mais je sais que l’on va retailler la route ensemble…

 

Qui? Qui suis-je après tout ça. Un mec qui a un peu mal aux jambes, ce serait trop réducteur. Je ne veux pas généraliser donc en parlant de moi, je dirais que le voyage me rend meilleur. J’aime ces longues périodes de solitude quand, face à toi même, tu ne peux déroger à une certaine forme d’examen de conscience. Ce type de voyage fait que tu deviens une incroyable caisse de résonance. Tes bonheurs comme tes peines sont amplifiés de manière incroyable. Tu peux passer du rire aux larmes en deux secondes. Sortir d’un truc pareil, c’est être plus riche de rencontres et de lieux. En même temps, je me sens tellement apaisé, serein. Il y a dans ma démarche une dimension un peu mystique. A force de l’entendre des autres, je vais bien finir par le croire. Je ne cherche personne, ni Dieu ni Maître dans ces voyages mais parfois, au creux d’une départementale, il m’est arrivé de croiser celui que je suis vraiment. Alors oui, pour ces instants en tête à tête avec ma gueule, cela valait la peine.

 

Différent : Tout est différent bien sûr. Je suis différent, modelé par ce nomadisme et par mes rencontres. Différent dans ma perception du monde et des autres. Sortir de là, c’est considérer que peu de choses sont importantes. Cela permet de remettre l’église au milieu du village. Je n’ai pas envie de superficialité, ni d’hypocrisie, ni de faux-semblants. Je n’ai pas envie d’entendre se plaindre les nantis que nous sommes. Je n’ai pas envie de voir, chaque jour, la misère des autres. Oui, tout est différent parce que vivre l’essentiel, c’est avoir l’assurance et la quasi obligation morale, d’aller ensuite à l’essentiel. Le voyage rend différent parce qu’il t’oblige, à chaque seconde, à t’adapter à ton aventure. Le voyage est comme un retour à l’originel. Ce n’est pas ton environnement que tu fais plier à tes désirs mais tes besoins que tu moules dans ton environnement. Et c’est ainsi que nous devrions vivre heureux.

 

Exploit : Que personne ne parle d’exploit. Rouler 120 bornes par jours durant 7 jours est à la portée de tout le monde. Ce n’est pas de la fausse modestie, juste une bonne connaissance de ce type d’initiative. Tout est question de volonté. L’exploit, c’est ce qu’une très infime minorité peut réaliser. Le reste est réalisable par le plus grand nombre. Ce n’est donc pas une performance juste l’expression d’un sale caractère diraient ceux qui me connaissent un peu.

 

Douleur : Voyager de la sorte, c’est le contraire du sport. Le sport et la performance consistent à dépasser la douleur. Pour être sportif, je connais bien le processus. Voyager, c’est tout autre chose. Cela consiste non plus à affronter mais à apprivoiser la douleur. Il faut savoir jouer avec elle, la repousser, parfois, la nier et la renier. Voyager, c’est être à chaque instant sur un fil tendu entre le plaisir et la douleur. C’est un jeu permanent de curseur entre les deux. Et vient l’instant, si particulier ou de la douleur née la satisfaction, lorsqu’au soir d’une étape un peu plus rude, ton corps fourbu te murmure : « Merde, comment a-t-on fait un truc pareil ». C’est dans ces instants qu’il faut avoir la sagesse de ne pas répondre, parce que répondre, c’est prendre le risque de ne plus jamais vouloir endurer cela…

 

Vous : Et puis il y a vous derrière vos écrans. Vous si loin de moi et jamais totalement absents. Ceux que je connais peu, ceux que je connais mieux. Les amis, retrouvés au détour d’un virage ou au bord d’un canal. Il y a une bière partagée au bord de l’Yonne et un festin d’amitié sur la nappe blanche du granit morvandiau. Et puis, il y a la famille, ceux qui appellent et s’inquiètent et me laisse vivre mon truc sans poser la question de trop. Il y a la voix de mes filles et les silences de leur mère. Il y a quelques lignes venues de Bordeaux, de  Toulouse pays de briques rouges au cœur tendre. Il y a le regard de mon père sur celui que je suis devenu et qu’il ne sera plus. Il y a les encouragements de mes neveux et nièces pour les 50 derniers mètres. Il y a un t-shirt qui m’ouvre le cœur comme le plus précieux des présents. Il y a la sagesse de Bob. Et puis, il y a, mystérieuse et invisible , cette petite étoile, qui me donne le Nord, me guide dans mes voyages et qu’à 46 ans je continue à appeler Maman.

 

 

Pour tout cela, un énorme Merci. Ce sera le dernier mot avant le prochain voyage. Merci à vous d’avoir été là, parfois sans le savoir. Vos visages et nos histoires m’ont accompagnés sur la route. Merci aux manouches à caféine, aux pains aux chocolats aux saveurs des îles, à un rouleau de chatertton…Merci à tous ceux qui, d’un petit geste de la main, d’un petit mot dérisoire ont su, sans le savoir, réchauffer mes jambes et mon âme. Merci à toi P’tit bibi, mon cheval de métal. Je te sais au chaud et bien entouré. Je vais te revoir bientôt et nous partirons à nouveau. Merci à ceux qui ont compris, ceux qui ont cru, ceux qui ont voulu autant que moi. Merci à vous d’avoir écrit ces quelques lignes avec moi, parce que comme l’an dernier, me reste de ces beaux jours une ultime certitude… Je reprendrai encore la route.

 

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05/08/2016
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