la-grosse-georgette

la-grosse-georgette

Ce soir, je ne monterai pas mon abri de fortune...

Voilà, le voyage touche à sa fin. Récit de cette dernière journée entre grand mystère et brève de comptoir...

Ce matin, ce sont les doux gazouillis de ma voisine de tente qui me tirent du sommeil. Sauf que ladite voisine a 6 ans et qu'elle glapit en hollandais ce qui engendre un réveil un peu délicat. On n'a pas idée de s'exprimer dans un dialecte aussi peu agréable à l'oreille. A part le norvégien septentrionale, il y a quoi comme langue plus dégueulasse que celle-ci? Passant outre mon aversion, je commence les préparatifs du départ. Comme elle reste étrange cette journée malgré l'expérience de l'an dernier. Comme elle te trimballe entre impatience de réaliser le truc et l'angoisse de tout voir finir. Tu as beau vouloir reculer chaque instant, tu sais bien, au fond de toi, que chaque geste est le dernier pour cette fois. Le petit rituel du matin te prend un de ces goût de "plus jamais". Plier la tente, le duvet puis le matelas. Charger le P'tit Bibi puis enfiler mes chaussures de vélo... Merde, tout cela prend une autre dimension. En même temps, je sais qu'il ne faut pas se laisser bouffer par l'émotion. Alors je roule vers Auxerre et la fin. Je sais qu'il me reste 50 bornes pour rallier Vézelay et 50 autres pour arriver au but. Le début d'étape est vallonné. En sortant de Corbigny, je ramasse 5 kilomètres de montée. Les jambes tournent rond et je sais que la journée se passera bien. Le vent dans le dos me permet de rejoindre Saint Père sous Vézelay avant la montée vers la colline éternelle. Lorsque tu arrives par la route empruntée, tu ne l'aperçois qu'au dernier moment la Belle. Elle se dresse, basilique en tête comme perchée dans le ciel. Les deux kilomètres d'ascension confirment cette impression. Je me fais le serment d'arriver en haut sur le P'tit bibi et je tiens parole. A 12 h 15 j'arrive à Vézelay. Je décide de faire ma pause déjeuner et comme c'est la dernière, je déjeune sur la terrasse d'un petit troquet. Je mange vite fait car j'ai trop envie de céder enfin à l'appel de la basilique. Cet endroit, je ne peux pas te le décrire. Cela ne servirait à rien parce que ce lieu je ne le regarde pas, je le vis. Chaque fois que je viens ici, c'est pareil et cela n'a rien à voir avec la religion pour moi qui ne croit pas en Dieu. Il se dégage d'ici une énergie et une sérénité qui me bouleversent. Est-ce les pèlerins au travers des siècles qui ont façonné ces murs? Est-ce la roche du promontoire? Je n'en sais rien et je préfère ne rien savoir. Surtout ne pas briser le mystère, ne pas écorcher le rêve. Je me pose dans la basilique, pas pour prier non mais pour y entrer, comme chaque fois, en relation avec je ne sais quoi. Je profite du silence, de la paix des lieux et me régénère. Je sors pour m'octroyer une sieste réparatrice à même le sol dans l'ancien jardin des moines. Je reprends la route vers 14 heures. Il me reste 53 bornes a faire et je sais qu'ils sont faciles. Alors j'enroule en me laissant porter. Je repense à ces 7 jours, à ces rencontres. Je revois des gueules de passage, entends à nouveau des bruits familiers. Je mesure un peu ce que je suis en train de faire... Le téléphone sonne. La famille et les amis prennent des nouvelles. Dernière halte à Vermenton, au café, chez Mimi. Trois pochtrons attablés devant un Picon et qui ont envie de causer, alors on cause, de vélo, de Dax, de sport. Le plus atteint du lot est obligé de fermer un œil pour parler.Il te tient la murge des grands jours Machin. Il me confie en français approximatif que lui aussi fait du sport puisqu'il pratique les "bars parallèles". On se marre gentiment de sa connerie de sac à pinard... la vie quoi. Je reprends la route dans une sorte d'état second. Je choisis de finir par le chemin de halage le long du canal. A la dernière écluse, à 6 bornes de l'arrivée, j'aperçois deux types assis sur un banc. Je repense à mes arsouilles de tout à l'heure sauf qu'en approchant, je réalise que ce sont Mimi et Pascal! Oh les filous, je n'ai rien vu venir. On se bécote, on  tchache au bord de la flotte avant de décider que l'on sera mieux devant une bière. Arrêt devant le panneau Auxerre pour la traditionnelle photo. On boit une bière on discute. Laurent nous rejoint mais le temps passe. On se fait des bises. Je remonte chez Maman où je suis accueilli par la smala des neveux et nièces. Encore des bises et je lâche un peu les vannes. Faut que ça sorte alors je chiale un peu sur le guidon du P'tit bibi... Douche, apéro, repas. Ca fait du bien de se sentir en vie...

Le calme est revenu et j'écris ces lignes dans le silence de ma chambre de gosse. Il ne faut pas que je pense trop. Tout cela est trop frais, trop imposant, trop plein de vie encore. Il me faut passer par un sas de décompression avant de revenir sinon je risque l'embolie émotionnelle. Je sais que cela prendra du temps, qu'on ne rentre pas d'un voyage pareil, d'une telle escapade intérieure sur un claquement de doigts. Je suis un peu perdu sans ma boussole sensorielle et sans mes petites habitudes de voyageur. Ce soir, je ne monterai pas mon abri de fortune, je ne gonflerai pas mon matelas inconfortable... Ce soir, je ne poserai pas ma main sur le guidon du P'tit Bibi comme on le fait sur l'encolure d'un bon cheval. Ce soir, je ne compterai pas les bons moments en regardant les étoiles depuis mon lit. Ce soir, il me manque quelque chose et je ne sais pas si c'est ma petite aventure ou la petite part du meilleur de moi même croisée au bord des routes.

 

Auxerre. 24 degré. Ciel trop étroit. Demain sera le premier jour d'après...



02/08/2016
2 Poster un commentaire
Ces blogs de Voyages & tourisme pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 22 autres membres